La sobriété est une perte de temps

Aaaaaaah, la Sobriété. Celle qu’on arbore avec un grand S quand vient l’hiver économique. Celle qu’on nous promet Salvatrice, Sauveuse d’un effondrement apocalyptique. Celle, enfin, qu’on assène aux “Mmes Michu” de ce monde (i.e. la figure consumériste stéréotypale) tout en les enjoignant à acheter le nouvel iphone (16 ? 17 ? J’ai perdu le compte). Injonctions contradictoires.

Et pourtant, il faut le dire : pas de transition sans modération. Modération de la production (produire moins, mais mieux) et modération de la consommation (et donc de l’injonction à consommer, toujours, tout le temps). Parce que la sobriété, dans le fond, c’est ça. Loin d’être une punition collective pour une faute systémique, la sobriété est, peut-être, déjà, une rationalisation de nos pulsions de production/consommation ; un ralentissement, au final, de nos rythmes de vie.

Voilà : poser la question de la sobriété, c’est poser la question du temps et de notre rapport au temps.

Une brève histoire du temps

La mécanique marketing est pensée et conçue depuis le 19ème siècle pour réguler le marché par l’accélération des rythmes de consommation, conjointement à l’accélération des rythmes de production permis par la révolution industrielle (lisez “La main visible des marchés” de Thibault Le Texier, pour vous en convaincre). Une machine bien huilée qui ronronne depuis deux siècles en poursuivant un double objectif : contracter les temps de production, fragmenter les temps de consommation.

Ce faisant, notre rythme de consommation, d’équipement et de rééquipement n’a cessé de s’accélérer. Du “click and collect” à la livraison à domicile, de la “fast fashion” aux “snack contents”, notre consommation est constante, mais non linéaire ; elle se fragmente en “micro-instants shopping”.

De son côté, “produire” est vu comme une perte de temps. La production mobilise du capital, des ressources et (sacrilège parmi les sacrilèges) : demande du temps.

Dans une logique d’accélération, produire est et restera une perte de temps.

Sauf que le temps, s’il est un co-déchet à réduire au maximum dans la rationalité marketing ; est le carburant principal de la sobriété. Car oui : une consommation sobre est une consommation gourmande en temps. Quelques exemples ?

  • un Toulouse - Berlin en train est plus long qu’en avion

  • cuisiner est plus long que de se faire livrer un plat

  • recoudre son pantalon troué est plus long qu’en acheter un nouveau

  • acheter une cafetière d’occasion prend plus de temps qu’en acheter une neuve

Cette réflexion sur la sobriété invite à penser un nouvel espace-temps de la consommation consciente/responsable. Mais ça, on se le garde pour une prochaine palabre.

Article rédigé d'après l’ouvrage collectif “Le marketing à l’ère de la sobriété” coordonné par Isabelle Dabadie et Jean-Baptiste Welté et publié en 2024 à l’EMS.

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